Forte progression des dérives sectaires dans le domaine de la santé

Par |Publié le : 25 avril 2025|Dernière mise à jour : 24 avril 2025|5 min de lecture|

Dans son récent rapport d’activité mis en ligne en ce 8 avril, la MIVILUDES (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires) tire la sonnette d’alarme sur la forte augmentation des dérives sectaires dans le domaine de la santé et du bien-être. Que doit-on retenir de ce rapport ?

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Les chiffres clefs du rapport d’activité 2022-2024

Dans ce rapport, la MIVILUDES précise qu’en 2024, 4571 signalements ont été réceptionnés. En 2015, on n’en comptait que 2160. Ainsi, en l’espace de 10 ans, les signalements pour suspicion de dérives sectaires et demandes d’informations ont augmenté de 111%.

Aussi, entre 2022 et 2024, le nombre de signalements annuel adressé aux parquets (caractérisation du signalement en infraction pénale, crime ou délit) est passé de 13 à 45. Cela témoigne de la gravité des faits dénoncés.

Selon la MIVILUDES : « Les dérives sectaires constituent des comportements, qui visent par divers procédés, notamment en s’appuyant sur des croyances ou des doctrines, à placer des personnes dans un état de sujétion à l’origine de multiples préjudices, personnels et financiers ».

Les conséquences d’une personne sous emprise psychologique dans un contexte de dérive sectaire sont nombreuses et graves. La personne peut être en rupture familiale et sociale. Elle peut se détourner des soins médicaux et être exploitée sur le plan mental, sexuel et financier. Un véritable danger s’installe, à fortiori chez les mineurs.

Entre 2022 et 2024, les thématiques de signalements concernaient à 37% la santé et le bien-être. Elles concernaient ensuite à 35% les cultes et spiritualités et à 13% les formations et la finance. Puis, en dessous de la barre des 10%, elles visaient le complotisme, le séparatisme ou encore l’engagement radical comme le survivalisme.

Dans ces 37% concernant la santé et le bien-être, les signalisations concernent la remise en cause :

  • Des professionnels de santé eux-mêmes et intervenants en thérapie complémentaire ;
  • Les thérapies alternatives proposées ;
  • Des pratiques autant sur le coaching, le bien-être et de développement personnel.

Les évolutions les plus préoccupantes

Le rapport met en avant une transformation du phénomène sectaire. Identifiée auparavant comme l’image de la secte religieuse, la dérive sectaire actuelle dans le domaine de la santé est plus diffuse. Elle infiltre insidieusement les domaines du soin, du bien-être et du coaching.

Autre phénomène inquiétant :  la montée en puissance des influenceurs pseudo-scientifiques, sur les réseaux sociaux, qui expose des publics vulnérables, notamment les jeunes, à des dangers tout en facilitant les mises en relation. Citons par exemple l’influenceuse australienne Belle Gibson qui affirmait en 2013 avoir vaincu un cancer en limitant sucre et gluten dans son alimentation tout en favorisant le vinaigre de cidre. Une série sur ce phénomène de société est d’ailleurs actuellement en ligne sur Netflix : « Apple Cider Vinegar ».  La série dénonce les dérives du bien-être numérique et le pouvoir trompeur de la mise en scène.

Plusieurs évolutions dans la société viennent renforcer les possibilités d’intrusions de dérives sectaires : 

  • La création de centres de bien-être où se côtoient professionnels en santé et intervenants en bien-être sans distinction évidente pour l’usager ;
  • La généralisation au sein des hôpitaux des pratiques de soins non conventionnelles sans mises en garde ou d’encadrement médical ;
  •  Des pseudo-thérapies croissantes promettant la prise en charge des malades du cancer (plus de la moitié des signalements en matière de santé) et des patients souffrant de troubles mentaux ;
  • Une offre massive sur les réseaux sociaux de pratiques de soins non conventionnelles (PSNC) souvent associée à des escroqueries ;
  • Diversification des méthodes et offres de jeûne ;
  • Pratiques diverses dans le domaine de la santé mentale (pseudo-psychothérapie, faux souvenirs induits) ;
  • Nombreux professionnels utilisant le préfixe « psycho » alors qu’ils n’ont pas de numéro au RPPS (répertoire partagé des professionnels intervenant dans le système de santé) ;
  • L’image positive des PSNC (thérapies alternatives), 70% des Français ont une bonne image des thérapies alternatives et 57% d’entre eux estiment qu’elles sont au moins aussi efficaces que la médecine classique.
À savoir !Les termes « thérapie », « praticien », « médecine », « docteur », ne font actuellement pas l’objet d’une définition juridiquement protégée et peuvent être utilisés librement.

Les points de vigilance face à un professionnel de santé

Lorsque vous consultez, il est indispensable d’être vigilant si le praticien :

  • Remet en cause et critique la médecine conventionnelle et les traitements associés ;
  • Vous encourage à arrêter tout autre traitement conventionnel ;
  • Vous promet une guérison « miracle », grâce à des pratiques alternatives qui excluent le recours au traitement médical conventionnel ;
  • Se présente comme la seule personne pouvant vous guérir ;
  • Vous incite à ne pas parler à votre famille, à votre médecin, à votre entourage ;
  • Propose des tarifs élevés (éventuellement progressifs) justifiés par la rareté de ses connaissances ;
  •  Tient un discours pseudo-scientifique mélangeant concept médical, psychologique et spirituel ;
  • Ne se fonde sur aucune étude scientifique valide et illustre son propos seulement par des retours d’expériences d’autres patients.  

Si vous avez remarqué quelques-uns de ces comportements non appropriés ou que vous doutez des pratiques du professionnel de santé avec qui vous êtes en contact, il est recommandé :

  • D’en parler à son entourage et à d’autres professionnels de santé comme votre médecin de famille ;
  • De se renseigner précisément sur le parcours du praticien, ses titres et ses diplômes ;
  • D’interroger le conseil de l’Ordre concerné s’il y a lieu ;
  • De consulter la MIVILUDES.
Sources
– Rapport d'activité 2022- 2024 : des signalements en hausse. www.miviludes.interieur.gouv.fr. Consulté le 11 avril 2025.

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Julie P.
Journaliste scientifique
Journaliste scientifique. Spécialiste de l'information médicale. Passionnée par l'actualité scientifique et les nouvelles technologies. Rédige un contenu scientifique fiable avec des sources vérifiées en respect de notre charte HIC.