Infections d’origine alimentaires : des frigos trop chauds ?

Bien conserver ses aliments au réfrigérateur est essentiel pour éviter les infections d’origine alimentaire liées aux bactéries pathogènes. Jusqu’à présent, les dates limites de consommation des aliments réfrigérés prêts à être consommés étaient définies d’après une température de référence. Dans le contexte actuel de hausse du nombre de cas de listériose en Europe, des scientifiques du Laboratoire de sécurité des aliments de l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses) ont révisé cette valeur pour tenir compte des températures réellement observées dans les réfrigérateurs domestiques européens. Zoom sur les conclusions de leurs travaux.

Une hausse des cas de listériose en Europe

Un récent rapport de l’Autorité européenne de sécurité des aliments (Efsa) sur la surveillance des zoonoses a pointé la hausse constante du nombre de cas de listériose entre 2019 et 2023. Bien qu’elle soit peu fréquente, cette infection n’en reste pas moins grave, surtout pour les femmes enceintes, les personnes aux défenses immunitaires affaiblies ainsi que les personnes âgées de plus de 65 ans. Liée à la consommation d’aliments contaminés par la bactérie Listeria monocytogenes, elle peut en effet conduire à l’hospitalisation voire au décès de la personne contaminée. 

La contamination se fait principalement via l’alimentation et certains aliments sont plus à risque que d’autres comme la charcuterie cuite prête à consommer, certains fromages, les viandes crues ou peu cuites, les poissons crus ainsi que les coquillages crus.

Dès lors, il s’avère essentiel de conserver les aliments à basse température (en dessous de 4°C) dans le but de :

• Freiner le développement des micro-organismes (bactéries) responsables de maladies d’origine alimentaire.
• Et de préserver leurs qualités nutritionnelles et organoleptiques.

Or, il faut savoir que la bactérie Listeria monocytogenes a la capacité de se multiplier dès 2°C et que sa croissance est d’autant plus rapide que la température est élevée. D’où l’importance de s’assurer que les consommateurs conservent leurs aliments à la bonne température dans leurs réfrigérateurs.

Infections d’origine alimentaires : des frigos trop chauds ?

A l’heure actuelle, la règlementation européenne impose qu’il n’y ait pas plus de 100 Listeria monocytogenes par gramme de produit jusqu’à la date limite de consommation de certaines catégories d’aliments prêts à être consommés. Mais en l’absence de données sur les températures des réfrigérateurs domestiques, le laboratoire de référence de l’Union européenne (LRUE) sur Listeria monocytogenes recommandait jusqu’à présent de simuler une conservation à 12°C chez le consommateur sans aucune certitude que cette valeur soit le reflet exact de la réalité.  

Dans ce contexte et au regard de la hausse récente du nombre de cas de listériose en Europe, des chercheurs de l’unité Salmonella et Listeria du Laboratoire de sécurité des aliments de l’Anses se sont penchés sur les températures à l’intérieur des réfrigérateurs domestiques. L’objectif affiché ? Savoir à quelle température sont réellement conservés les aliments des consommateurs européens.

Pour mener à bien ces travaux, les chercheurs ont analysé la littérature scientifique disponible sur le sujet en décryptant les résultats de 17 études et de 10 enquêtes nationales menées au sein de 16 pays européens. Il en ressort les conclusions suivantes :

• La moyenne des réfrigérateurs domestiques en Europe est de 6,4 °C.
• 95 % des réfrigérateurs étudiés ont une température inférieure à 10°C.

A noter que les différences climatiques n’ont pas été à l’origine de grandes variations entre les pays. Les différences de températures au sein des réfrigérateurs étudiés dépendaient plutôt d’autres facteurs parmi lesquels :

• L’ancienneté de l’appareil électroménager.
• Le réglage du thermostat.
• La fréquence et la durée d’ouverture de la porte.
• Le taux de remplissage du réfrigérateur.

De l’importance d’une bonne conservation des aliments chez soi

Forts de ces résultats, les scientifiques ont revu la température de référence pour calculer les dates limites de consommation des aliments réfrigérés prêts à être consommés. Désormais fixée à 10 degrés, cette nouvelle valeur a été inscrite dans le guide technique pour l’évaluation de la durée de vie microbiologique. Les scientifiques recommandent dès lors aux producteurs agroalimentaires de prendre cette valeur comme repère pour étudier la durée de vie des aliments vis-à-vis du risque de listériose et d’autres infections d’origine alimentaire.

Et parce que toutes les étapes de la chaîne alimentaire sont importantes, l’Anses répète que réduire le risque d’infections alimentaires chez soi passe par une température de conservation des aliments la plus faible possible (moins de 4°C) pour freiner la croissance des microorganismes. L’instance sanitaire appelle donc les consommateurs à la prudence en précisant que la température de référence ne concerne que les industriels et ne doit pas inciter les particuliers à augmenter la température de leurs réfrigérateurs. Ciao les frigos trop chauds !