« Pollution lumineuse » : Quel impact sur le risque de cancer du sein ?
Dès la nuit tombée, impossible de se passer de l’éclairage des lumières artificielles qui font partie intégrante de notre mode de vie sédentaire. Et si l’exposition nocturne à la lumière artificielle augmentait le risque de cancer du sein ? C’est ce que suspectent des chercheurs de l’Inserm. Zoom sur le contenu de leurs recherches.

Lumière artificielle et horloge biologique
Dans les grandes villes, nombreuses sont les sources lumineuses à fonctionner pendant la nuit entre lampadaires, vitrines de commerces, panneaux publicitaires ou immeubles de bureaux. Mais saviez-vous qu’il existait un atlas mondial de la luminosité artificielle ? Cet atlas répertorie la pollution du ciel nocturne par la lumière artificielle. Résultat : près de 85 % de la population mondiale vit sous un ciel nocturne pollué par la lumière artificielle !
Or, cette exposition massive est loin d’être anodine car la lumière artificielle nocturne perturbe le « rythme circadien » qui régule un grand nombre de fonctions biologiques comme le système hormonal. Et une simple dérégulation de ce cycle peut provoquer l’apparition de diverses pathologies. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a d’ailleurs classé le travail de nuit comme cancérigène probable, notamment pour le cancer du sein.
Mais jusqu’à présent, peu d’études ont porté sur les populations exposées à la pollution lumineuse dans l’environnement général.
« Pollution lumineuse » : quel impact sur le risque de cancer du sein ?
Forts de ce constat, des scientifiques de l’Inserm ont conduit une étude pour vérifier si l’impact de l’exposition à la lumière artificielle pendant la nuit sur le rythme circadien pouvait avoir un effet sur le le risque de développer un cancer du sein hormono-dépendant.
Pour mesurer l’exposition à la pollution lumineuse, les scientifiques se sont appuyés sur les données de deux études épidémiologiques :
- L’étude Cecile incluant plus de 1 000 femmes atteintes de cette pathologie et 1 200 femmes témoins non malades. Cette étude analyse les facteurs de risque environnementaux des cancers du sein (mode de vie et différentes expositions environnementales ou professionnelles).
- Une deuxième étude s’appuyant sur la cohorte e3n-générations (composée d’environ 100 000 femmes recrutées en 1990 et régulièrement suivies). Cette étude inclue plus de 5 500 femmes atteintes d’un cancer du sein et autant de femmes non malades.
Sur la base de ces données, les scientifiques ont ensuite mis au point un protocole inédit ayant recours aux compétences d’une géomaticienne. Pour chacune des deux études, la spécialiste a mesuré le niveau d’exposition des femmes à la lumière artificielle nocturne. Elle a attribué à leurs lieux de résidence les valeurs mesurées par les images satellites du programme américain DMSP (Defense Meteorological Satellite Program).
Les scientifiques ont enfin pris en compte les facteurs de risque classiques de cancer du sein (activité physique, corpulence, nombre d’enfants, ménopause, tabagisme, prise de traitements hormonaux). Pour la seconde étude, ils ont ajouté à ces derniers le niveau de pollution atmosphérique au dioxyde d’azote et aux particules fines. Celles-ci étant suspectées d’être associés au cancer du sein dans des étude précédentes. Ils ont également pris en compte la présence d’espaces verts à proximité des lieux d’habitation.
Des données satellites pour mieux cerner la pollution lumineuse
S’agissant de l’étude Cecile, les résultats obtenus jusqu’à présent suggèrent que l’exposition à la lumière artificielle la nuit pourrait être associée à un risque accru de cancers de type HER2+. Quant aux résultats de l’étude issue de la cohorte e3n-générations, ils sont en cours de publication.
Si les scientifiques reconnaissent que ces premiers travaux ne permettent pas encore de conclure sur un lien avéré entre l’exposition à la lumière artificielle la nuit et le risque de cancers du sein, ils insistent sur la nécessité d’approfondir les recherches.
L’idée avancée ? Rendre plus précise la mesure des expositions à la lumière artificielle nocturne grâce à l’utilisation de photographies prises par les astronautes depuis la station spatiale internationale. Ces photographies présentent en effet plusieurs avantages :
- Elles offrent une résolution de quelques mètres seulement autour du lieu d’habitation.
- Elles fournissent des renseignements sur le spectre lumineux et la composante bleue de la lumière, la plus à-même de perturber le rythme circadien.
Un futur projet de recherches sur le sujet fait d’ores et déjà l’objet de discussions. Affaire à suivre !
– Cohorte e3n générations. www.e3n-generations.fr. Consulté le 8 février 2025.
– Oui, la pollution lumineuse est dangereuse pour la santé. www.nationalgeographic.fr. Consulté le 8 février 2025.
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