Scorbut chez les enfants : hausse inquiétante après la pandémie de Covid-19

Le scorbut, une maladie que l’on croyait reléguée au passé, connaît une recrudescence inattendue en France, chez les enfants. Ce constat, révélé par une récente étude coordonnée par l’hôpital Robert-Debré (AP-HP), l’INSERM, le département de pédiatrie de Cayenne en Guyane et l’université Paris Cité, met en lumière les effets indirects de la pandémie de Covid-19 et des crises socio-économiques qui ont suivi. Quelles sont les causes de ce phénomène ? Comment y remédier efficacement ?

Réémergence du scorbut chez les enfants : état des lieux

Historiquement, le scorbut était associé aux marins privés de fruits et légumes frais pendant de longues traversées en mer. Aujourd’hui, cette maladie due à une carence sévère en vitamine C réapparaît dans les pays développés. L’étude publiée dans The Lancet Regional Health — Europe en décembre 2024 révèle une augmentation de 34,5 % des hospitalisations d’enfants atteints de scorbut en France depuis le début de la pandémie.

Entre janvier 2015 et novembre 2023, 888 cas de scorbut pédiatriques ont été recensés dans les hôpitaux français, avec une hausse marquée après 2020. Ces chiffres préoccupants vont de pair avec une augmentation de 20,3 % des cas de malnutrition sévère. Les enfants concernés présentent des symptômes variés : douleurs osseuses intenses, faiblesse musculaire, hémorragies et altération de l’état général.

Recrudescence du scorbut : des causes multiples

Impact des crises socio-économiques

Depuis 2020, la précarité a considérablement augmenté, exacerbée par la pandémie et l’inflation alimentaire. En 2023, les prix des produits alimentaires de base ont grimpé de 15 %, rendant les fruits et légumes frais moins accessibles pour les familles les plus modestes. Cette insécurité alimentaire est un facteur clé dans l’apparition de carences nutritionnelles.

Changement des habitudes alimentaires

Les confinements et la fermeture des écoles ont bouleversé l’équilibre alimentaire des enfants. Les repas servis à la cantine, souvent plus riches en fruits et légumes, ont été remplacés par des alternatives moins nutritives à domicile. Par ailleurs, la consommation accrue d’aliments ultra-transformés, pauvres en micronutriments essentiels, a aggravé ces déséquilibres.

Vulnérabilité des familles précaires

L’étude met également en évidence un lien entre l’incidence du scorbut et la situation socio-économique des ménages. Les familles confrontées à des difficultés financières sont davantage exposées au risque d’insécurité alimentaire, limitant l’accès à des aliments riches en vitamine C.

Retour du scorbut : un signal d’alarme pour repenser la nutrition infantile

Face à la recrudescence du scorbut, des actions concrètes et ciblées sont nécessaires pour enrayer ce phénomène :

Programmes d’aide alimentaire

Mettre en place des dispositifs d’aide alimentaire dédiés aux familles précaires est une priorité. Ces programmes doivent inclure la distribution de fruits et légumes frais, afin de garantir un apport suffisant en vitamine C pour les enfants à risque.

Sensibilisation et éducation nutritionnelle

Il est primordial d’éduquer les familles sur l’importance d’une alimentation variée et équilibrée, même avec des budgets limités. Des campagnes de sensibilisation pourraient promouvoir des sources économiques de vitamine C, comme les pommes de terre, le chou ou les agrumes.

Renforcement du suivi pédiatrique

Les professionnels de santé doivent être formés à la détection précoce des carences alimentaires et des signes de malnutrition. Des consultations régulières permettent d’identifier rapidement les enfants à risque.

Politiques publiques pour l’accès à une alimentation saine

Lutter contre l’inflation alimentaire et améliorer l’accès à des aliments nutritifs et abordables doit devenir une priorité. Des subventions ou des politiques de prix contrôlés pour les produits essentiels pourraient être envisagées.

Le retour du scorbut chez les enfants en France souligne les effets indirects de la pandémie de Covid-19 sur la santé publique. Ce constat met en lumière l’importance de la nutrition infantile. Des actions collectives, comme la sensibilisation aux carences alimentaires, un suivi pédiatrique renforcé et l’amélioration de l’accès aux aliments nutritifs, doivent être envisagées. Bien que le scorbut soit une maladie évitable et réversible, cette réémergence rappelle que les inégalités nutritionnelles demeurent un enjeu sanitaire majeur.